Ce billet est initialement paru pour le magazine économique suisse Bilan.
Nous le savons tous, l’être humain évolue dans son monde grâce à ses 5 sens. Or, ces sens sont désormais tous, ou presque, numérisables. Voilà pourquoi la transformation numérique est un enjeu majeur pour les entreprises.
Nous le savons tous, l’être humain, parmi d’autres espèces, évolue dans son monde grâce à ses 5 sens: l’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat, le goût.
Donc, c’est aussi par nos 5 sens que les entreprises produisent et échangent des biens et services.
Or, ces sens sont désormais tous, ou presque, numérisables, c’est-à-dire transformables en données que les ordinateurs peuvent traiter. Voilà pourquoi la transformation numérique est un enjeu majeur pour les entreprises.
L’ouïe
Quand en 1982, il y a près de 40 ans, la Symphonie alpestre de Richard Strauss a été reproduite sur CD, nous avons transformé nos vieux disques à sillons en 0 et 1. Cela n’a eu l’air de rien, mais nous venions de numériser l’échange d’informations avec un de nos sens. Dès lors, un ordinateur pouvait traiter cette information.
Des progrès importants ont été accomplis en sens inverse, avec la synthèse vocale, pour transformer des 0 et des 1 calculés par ordinateur en sons et en voix. L’exemple le plus frappant fut récemment l’expérience de Google Duplex engageant un dialogue au téléphone en imitant si bien la voix qu’on ne savait même plus distinguer l’humain de la machine.
Deux machines auraient pu être en train de « se parler » et nous n’y aurions « vu » que du feu. Et elles aussi d’ailleurs… Les progrès fulgurants de la reconnaissance et synthèse vocale relèguent les chatbots au rang des vieilleries numériques, après seulement quelques années d’existence dans les services clients des entreprises.
La vue

Les textes, dactylographiés ou écrits à la main, images, photos ou vidéos, peuvent être capturés numériquement et analysés en temps réel ou produits sous forme de dessin animé, jeux vidéo, réalité virtuelle ou augmentée.
Des ordinateurs ont commencé à « créer » eux-mêmes des images, ou plutôt des extrapolations d’images existantes; on peut donc parler de création, mais peut-être pas encore d’imagination et de créativité artistique, encore que ceci soit une question de définition.
Le toucher
Des capteurs peuvent reproduire notre sens du toucher ou, en sens inverse, robotiser nos actions manuelles sur notre environnement, ou, via les nanotechnologies, au sein de notre propre corps.
Cette percée va bien au-delà des robots, permettant par exemple, par substitution sensorielle , de « redonner » la vue à un aveugle via son canal cérébral du toucher. Les scientifiques ont aussi pu redonner le sens du toucher à un lépreux qui l’avait perdu: après deux jours d’entraînement, l’un des sujets atteints de la lèpre a raconté « la merveilleuse sensation de toucher sa femme, qu’il n’avait pas pu ressentir depuis 20 ans ».
L’odorat
On sait déjà reproduire des odeurs par ordinateur couplé à un distributeur de molécules olfactives, comme cela a été utilisé dans des salles de cinéma par exemple, mais on sait aussi percevoir les odeurs et les numériser pour les analyser plus précisément que ne le fait l’analyse bio-chimique classique.
Les applications sont multiples, depuis les douanes aux parfumeurs en passant par la détection de fraude dans les tournois de ping-pong…
Le goût ?
À ma connaissance, seuls les sens de nos papilles gustatives ne sont pas encore numérisés, ou, en tout cas, les recherches n’ont pas encore atteint les mêmes résultats industriels.
mise à jour du 4 septembre 2019: IBM vient d’annoncer une langue électronique pour tester le contenu de l’eau, voire d’un vin… A lire sur les Echos.
Pour qui apprécie un bon repas convivial, c’est une chance. Mais pour qui a perdu ce sens du goût, lui permettre de le retrouver serait un progrès médical, comme dans le cas du toucher évoqué plus haut.
Nous connaissons la marche de la science: elle ne s’arrête devant aucun défi et finit toujours par trouver une solution aux problèmes les plus complexes, surtout quand le but est thérapeutique, car aucun médecin ne peut s’empêcher de soigner.
Nous venons de faire le tour de nos 5 sens
Tous, ou presque, sont numérisables. Or, c’est par eux que nous agissons avec le monde qui nous entoure. C’est donc par eux que les entreprises produisent et distribuent leurs biens et services avec leur environnement: clients, collaborateurs, fournisseurs et partenaires.
Couplez cette numérisation avec la puissance de calcul des ordinateurs, les progrès algorithmiques dans le domaine de l’intelligence artificielle en particulier, l’internet mobile, et on peut sans peine imaginer l’impact profond que cela a sur les activités des entreprises. Voilà pourquoi la transformation numérique a tant d’importance.
Bien sûr, les impacts sociétaux sont tout aussi importants.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, écrivait Rabelais.
Mais il y a d’autres chroniques et d’autres tribunes plus philosophiques ou politiques pour en débattre. Ce n’est pas le but de ce billet.
La société commence à s’emparer du sujet, probablement avec un peu de retard et trop lentement, compte tenu de la vitesse de calcul des ordinateurs.
On le voit au travers de la loi RGPD sur la protection des données en Europe, au travers des investigations, européennes et américaines notamment, envers les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), pour des raisons fiscales ou d’application des lois anti-trust, ou encore avec le débat sur l’utilisation de la reconnaissance faciale dans les villes, comme à San Francisco qui vient de l’interdire, ou encore avec les réflexions sur l’avenir du travail.
On le voit au travers de la pression mise sur Apple pour ajouter aux smartphones la fonctionnalité de contrôle du temps d’écran, pour soi-même ou pour ses enfants.
Les neurosciences, et les éditeurs de jeux, ont compris l’impact des J’aime et des gratifications sur les décharges de dopamine dans notre cerveau en vue de nous rendre accrocs à ces gadgets. L’OMS reconnaît l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie depuis 2018. Il est également légitime de se demander si celui qui contrôle les décharges de dopamine peut nous contrôler et influencer notre libre arbitre…
Les plus grands patrons de la tech, suivant en cela Stephen Hawking, mettent eux-mêmes en garde contre l’intelligence artificielle, notamment avec la question des robots-tueurs.
Le fondateur de Facebook lui-même réclamait en mars dans une tribune du Washington Post qu’on réglemente Internet et sa propre entreprise.
Le 29 mai dernier, le Comité d’éthique en France a rendu publiques 12 recommandations en matière de Big data et Santé.
On connaît aussi les impacts environnementaux de l’usage des technologies.
Tous ces débats sociétaux existent et vont contribuer à encadrer l’usage de la numérisation. Mais cela ne va ni l’empêcher, ni la ralentir. La politique de l’autruche ou du déni n’est donc pas une option.
Le mouvement de la numérisation est inexorable et exponentiellement rapide dès lors qu’on l’a couplé à la puissance de calcul et de stockage des ordinateurs et à l’internet mobile.
Quel sens a tout cela pour l’entreprise?
Nos 5 sens véhiculent de l’information. L’entreprise est, au fond, une entité qui organise l’information.
Comment l’information circule depuis, vers et au sein de l’entreprise et comment en tirer parti est donc une question à se poser d’urgence pour prendre le contrôle de cette transformation numérique avant de la subir et d’être mis au pied du mur par un client, un partenaire ou un concurrent.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
#TransformationDigitale #TransfoNum